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Nous n’avons pas les moyens de payer pour essayer !

Le Journal du Dimanche, 23 juin 2024.

[Extraits de l’article, version intégrale accessible aux abonnés].

Ancien vice-président d’Apple, Pascal Cagni dirige C4 Ventures et finance 48 entreprises dans la tech. Il alerte sur le risque de crash économique en cas de victoire de LFI ou du RN

Deux semaines après la dissolution et à sept jours du vote, la crise politique en France a-t-elle un impact dans les milieux d’affaires et chez les investisseurs étrangers ?

 

Je reçois beaucoup de coups de fil d’investisseurs qui sont entre l’attentisme et l’inquiétude. Ils comprennent que tout ce qui a été fait depuis dix ans est remis en question. Certains ont beaucoup investi, je pense à la vallée de la batterie dans les Hauts-de- France, avec 20 000 emplois à l’horizon 2030. Je pense à la méga-usine de microprocesseurs à Grenoble, industrie essentielle à notre souveraineté économique, dans laquelle l’État a investi 2,9 milliards d’euros pour attirer l’européen STMicro- electronics et l’américain Global Founders. Aujourd’hui, tous ces projets sont menacés.

Début mai, dans le cadre du sommet Choose France organisé à Versailles, Amazon s’était engagé à investir 1,2 milliard d’euros. On parlait de sommet de « tous les records ». Tout cela est-il remis en cause ?

Concernant Amazon, ils s’étaient déjà faits discrets lors de ce sommet, parce qu’ils redoutaient des manifestations s’opposant à leur développement. Je ne sais pas s’ils renonceront à leur engagement. Mais le risque est réel quand vous avez le choix, comme Microsoft, d’installer un data center en Alsace ou hors de nos frontières ; ou bien le géant Scania de construire un centre d’assemblage de batteries en Anjou ou bien en Hollande. Quand vous songez que le géant de la santé Novo Nordisk, une des plus grandes capitalisations du monde, prévoyait d’investir en France 2,2 milliards d’euros : aujourd’hui, rien ne garantit que cet engagement sera tenu.

Jour après jour, le Rassemblement national amende son projet économique, comme pour rassurer les patrons et les investisseurs étrangers. Est-ce que cela a un effet positif et rassurant ?

L’objectif de tout parti politique est la prise de pouvoir. Les renoncements ou ambiguïtés sur les retraites de Jordan Bardella en sont l’illustration. In fine, le chiffrage du programme du RN les contraindra à reculer ou à temporiser. Mais il n’y aura pas de remise en cause de certains engagements car il en va de leur crédibilité. Maintenant, disons les choses : que pèsera pour un salarié une baisse de TVA de 20 euros face à la perte de son emploi ? Le choix, il est là. Quoi que l’on puisse reprocher au président Macron, 2,2 millions de jobs ont été créés. Moi qui ai regardé mon pays pendant trente ans être à plus de 10 ou 12 % de chômage, j’ai fini par croire au plein-emploi. Ce qui est en jeu est historique et aura des conséquences très graves. Dans mon domaine, 52 % des 1 800 projets internationaux sont des extensions, avec un double- ment des emplois à la clé. C’est tout cela qui est aujourd’hui remis en cause : moins d’investis- sements, donc moins de créations d’emplois directs et indirects.

J’entends ce que vous dites, mais le pouvoir d’achat des Français a augmenté ces deux dernières années. L’inflation a été limitée. Le chômage baisse. Et pourtant, les Français ne créditent ni Emmanuel Macron ni le monde économique de ces réussites.

Vous avez totalement raison. Et d’ailleurs, les investisseurs du monde entier ne le comprennent pas ! C’est une banalité, mais c’est une réalité : les Français ne s’aiment pas. Ils bénéficient pourtant d’un État qui redistribue plus qu’aucun autre dans le monde. Ils ont subi une inflation moins brutale qu’en Grande-Bretagne. Leur pouvoir d’achat a augmenté en quinze ans, quand les Italiens n’ont pas retrouvé le niveau d’avant la crise financière de 2008. Et ils oublient que grâce au prêt garanti par l’État (PGE) pendant le Covid, 120 milliards d’euros ont financé le chômage partiel de 14 millions de travailleurs. Nulle part ailleurs dans le monde un peuple n’a été aussi protégé.

Encouragez-vous les patrons français à s’engager davantage dans cette campagne ?

Jusqu’à ces derniers jours, je trouvais honteux que tous ces entrepreneurs, qui ont bénéficié de la protection de l’État et de dix ans de réformes, restent silencieux. C’est bien de signer des tribunes avec une liste de 300 grands noms, mais cela ne suffit pas ! J’invite les patrons de licornes, tous les nouveaux exportateurs, qui ont vu leur compte d’exploitation s’améliorer, et les dirigeants de groupes étrangers à aller sur le terrain, expliquer à leurs salariés comment ils prévoyaient de mettre 20 ou 30 millions d’euros pour étendre leur site, mais qu’ils pourraient demain y renoncer.

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